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MESSAGE N° 8, le : 04/06/2005

Il faut vous dire que la dernière fois, à Sinop, je n’en avais pas fini avec la Turquie… Et puis aussi, vous croyiez que vous alliez échapper au récit de mes folles aventures entre Istanbul et Sinop… Que nenni, jeunes et moins jeunes gens... Que nenni !

 

Je reprends donc où je vous avais laissé, c’est-à-dire à la fin de l’avant dernier message… Et que fais-je lorsque j’ai fini de rédiger le message ? Eh bien je sors du cybercafé où je viens de passer deux, voire trois bonnes heures à vous écrire un mail que la plupart d’entre vous ne liront pas… (Et vu la longueur des machins, je vous comprends !). Donc, en sortant du café Internet, je tombe sur Max, le français rencontré à l’auberge de Bucarest et qui m’avait parlé des petits suisses. Je le croise comme ça, par le plus grand des hasards, sur le pont de la Corne d’Or (la Corne d’Or est l’embouchure d’un fleuve qui sépare la ville en deux, outre le détroit lui-même). Il venait de m’envoyer un mail me donnant rendez-vous à deux pas de là une demi-heure plus tard mais je ne l’avais pas reçu. Résultat, c’est un miracle si nous nous croisons sur ce pont, à cette heure-ci, dans cette ville de plusieurs millions d’habitants. En plus, il avait aussi donné rendez-vous aux deux suisses : Nico et Florian. C’est comme ça que je les retrouve le soir même. Nous passons une excellente soirée tous ensemble. Max nous propose de venir chez lui, le lendemain en fin de journée, de l’autre côté du détroit, à Kadiköy (en Asie donc), afin d’assister à la finale de la coupe de Turquie entre Galatasaray et Fenerbahce, dans un bar avec lui.

 

Le lendemain matin, alors que nous prenons notre petit-déjeuner devant l’auberge des suisses (aussi peuplée d’espagnols sympas, fans des Beatles), la télé nationale, NTV, vient nous interviewer. Leur but est de savoir si, en tant que touristes, nous n’avons pas eu trop de mal à trouver un hôtel malgré l’approche (dans 2 semaines tout de même) de la finale de la Ligue des Champions. Ce à quoi nous répondons par la négative… Le soir même, nous sommes de l’autre côté et, en ce qui me concerne, pour la première fois sur le continent asiatique. Le match ne répond pas forcément à nos attentes puisque, par solidarité avec Max, nous supportons Fenerbahce… Résultat : 5 à 1 pour Galatasaray… Dur ! Dur ! Pour le gars Max… Nous dormons ensuite chez lui. Je repars le lendemain matin en direction de l’Est non sans avoir remercié mes hôtes et donné rendez-vous à mes petits suisses en Iran…

Istamboul - Batumi : En Turquie, la Côte = les côtes...

En sortant d’Istanbul, je m’égare un peu. Je plaide non coupable monsieur le juge car la carte routière achetée à Sultanahmet, le quartier de touristes où je créchais, est la carte la plus pourrie qui soit. Je n’ai jamais vu ça… La plupart des patelins n’y figurent pas, les distances sont fausses, certains villages semblent sortir de l’imagination de Tolkien, et les rivières… N’en parlons pas (les rivières c’est pour savoir si ça monte ou si ça descend…). Bref, je ne me suis pas vraiment égaré mais, à cause de cette carte de daube, je fais un petit détour qui me permet, je le reconnais, de découvrir de très beaux paysages et de jolis petits villages dans les environs d’Istanbul.

Après une première soirée à environ 70 kilomètres d’Istanbul, hébergé par une famille et ses deux fils, je repars vers la côte. Ma carte aidant, je n’avance pas vraiment beaucoup et n’atteins, le soir même, que la ville de Kandira. Sur place, je tape le foot avec des professeurs dont certains enseignent la théologie. J’ai aussi la joie de trouver une table de ping-pong. Après le match, un professeur de mathématiques m’invite chez lui et c’est là que je passe la nuit.

Le lendemain, je repars pour Karasu, vraiment sur la côte cette fois-ci (alors que Kandira est encore un peu dans les terres). Ma carte fait encore des siennes et les indications contradictoires des turcs rencontrés au fil de la journée ne m’aident pas. D’ailleurs, et j’ouvre là une parenthèse… D’ailleurs, disais-je, c’est un des trucs qui me saoulent (gentiment, tout de même) avec les turcs… En effet, quand je leur demande un renseignement géographique ou, plutôt, une confirmation de ce qu’il y a sur ma carte (de merde), ils me prennent la carte des mains et me désignent exactement ce que je sais, c’est-à-dire là où l’on est, et je ne suis pas plus avancé. En gros, ils croient que je ne sais pas lire une carte alors que ce sont eux qui ne savent pas les faire ! Bon, je plaisante, mais quand on a quelques kilomètres en trop dans les jambes c’est toujours un peu lourd… M’enfin !

 

Bref, je voulais prendre une route secondaire que je n’ai jamais trouvée… Un peu comme David Vincent… Mais, finalement, je me retrouve sur une piste de terre longeant la côte sous un beau soleil et c’est drôlement joli. J’arrive sur Karasu en fin d’après-midi. J’y rencontre des ados qui me prennent littéralement en main. Je dors finalement chez l’un d’eux après que nous eussions passé la soirée autour d’un bon repas, d’un bon verre et la guitare. Je dois d’ailleurs vous faire une confession… Et là, je mets directement en cause mes petits suisses : j’ai repris le Coca-Cola en entrant en Turquie. Pour excuse, sachez qu’en voyage, c’est quand même le plus pratique (après l’eau bien sûr)… Bref, j’ai tenu un an et quatre mois sans boire une seule goutte du délicieux breuvage d’Atlanta, c’est pas mal, non ?

Quoiqu’il en soit, je repars le lendemain en direction d’Eregli, une ville portuaire (comme toutes celles que j’allais être amené à traverser les jours à venir) où je gratouille un peu le long de la promenade locale, gagne quelques sous et, surtout, photographie mes premiers dauphins de la Mer Noire. Je me remets ensuite en quête d’un hébergement et me fais inviter par un étudiant dans ce qui semble être une sorte de résidence universitaire de théologie… Vous pouvez m’imaginer au milieu de ces forts sympathiques jeunes gens, tous en train de me poser pleins de questions menant vers la religion… Je ne m’en tire pas trop mal. Pour finir, nous faisons une séance photo durant laquelle ils réussissent à me faire enfiler un turban et me laissent ensuite me coucher.

Le lendemain, je repars vers Zonguldak par une route relativement montagneuse. Bon, on m’avait prévenu… Ceci dit, ça ne retire rien à la montagnosité[i] (néologisme, docteur Jérôme ?) de la route et de la région. Au bout d’une cinquantaine de difficiles kilomètres, en fin d’après-midi, je suis à Zonguldak. J’y gratte quelques sous de guitare et fais la connaissance d’un étudiant musicien qui m’invite à dormir chez lui. Le soir, nous sortons avec son colocataire et nous rendons au festival musical de son université. En rentrant, il me montre quelques chansons turques que j’enregistre avant d’aller me coucher. [i] montagnosité : Substantif du caractère montagneux d’un lieu.

Le jour suivant, deux choses ; la première : les interminables et difficiles montées/descentes en sortant de Zonguldak (qui ne fait pas partie de la famille de Goldorak, Nico, j’ai vérifié…), et la deuxième : la rupture totale et irréversible, en son milieu, de mon boîtier de pédalier (de merde, donc, puisque acheté deux semaines auparavant à Burgas, en Bulgarie... A croire que les fabricants de cette crotte sont les mêmes que les éditeurs de ma carte routière..). J’ai donc besoin d’en acheter un autre. C’est dommage car celui là m’avait l’air correct. Je veux dire par-là qu’il tournait bien…

 

Au rang des nouveautés, je roule de nuit pour la première fois, afin de sortir de la ville de Bartin. Mon gilet réfléchissant et mes lumières ainsi qu’un trafic proche de zéro et une lune presque pleine me garantissent une sécurité absolue… Bon, pas absolue mais presque… Bon, d’accord j’ai failli me gaufrer menu menu quand je me suis pris des graviers au sortir d’un virage en descente… Bon, je me suis finalement gaufré dans le bas-côté, toujours dans les graviers et toujours dans la descente… Mais bon, plus de peur que de mal… Et la guitare a miraculeusement survécu… Alors ? Que demande le peuple … ? Rassure-toi maman, je suis prudent.

Je dors ce soir-là dans mon hamac, sous un abri à côté d’un pressoir à farine. Le lendemain, je me rends à Cide. Le schéma de la route devient INVARIABLE : montée, route de corniche, descente pour passer au dessus d’un ruisseau, remontée, re-route de corniche, redescente, tout en bas cette fois pour passer dans un village et, accessoirement, au dessus de la rivière qui vient se jeter dans la mer par ici… et on recommence… Sur la carte ça n’a pas l’air, mais on fait beaucoup de kilomètres comme ça. À Cide je me pose de nuit, en pleine pente, à la belle étoile. Le lendemain, au réveil, un panorama magnifique m’attend.

M’attend aussi ce qui doit être, d’après ma carte de daube, la journée la plus dure, rapport aux montées descentes. Je ne sais pas si c’est l’entraînement ou quoi, mais ça se passe globalement (lentement aussi) plutôt bien. Et le soir, j’ai fait mes 90 bornes. L’ingénieur d’un chantier d’Ozluce m’invite à dormir. Inévitable séance guitare, repas et photos avec les ouvriers du chantier et je me retrouve dans un petit bungalow pour moi tout seul, mieux traité que le reste des ouvriers dont j’ai entraperçu les dortoirs pas tip top… Enfin, je ne vais pas me plaindre, mais je me sens un peu gêné.

Le lendemain, une étape un peu plus facile, comprenez : un peu plus plate, m’attend. Néanmoins, le soir, en prenant un raccourci que tout le monde me déconseillait, je me retrouve pris dans un orage, mais un truc de malade… Imaginez un gros coup de chaud, du vent, des nuages noirs qui sortent de nulle part, tourbillonnant, à une cinquantaine de mètres devant vous, la pluie qui sort du même nulle part que les nuages et le tonnerre ! Impressionnant ! Heureusement, je suis à ce moment-là dans une petite communauté, quelques maisons, une mosquée, et je peux donc m’abriter. Un gars qui a vécu dans l’est de la France pendant 30 ans, Ayri, m’invite à dormir chez lui.

Le lendemain, je me rends à Sinop. Cette journée est assez difficile pour moi car je suis un peu vidé physiquement. Pourtant, en fin d’après-midi je suis sur place. Trois jours pour recharger les accus et me voilà reparti, non sans avoir donné une interview télé à une agence de presse la veille de mon départ. Il faut dire qu’un gars qui grattouille sa guitare le long de la promenade locale avec un vélo à ses côtés c’est pas banal… Surtout quand il est en route pour Shanghai et qu’il vient de parcourir 4350 kilomètres.

Le soir même, je me trouve à Alaçam après une étape plutôt plate et une centaine de kilomètres parcourus. J’y campe sur une colline avec vue sur les champs environnants.

Et je repars, le lendemain matin, en direction de Samsun que j’atteins rapidement grâce à un vent favorable et des mollets en béton ;-).

 

Une fois dans le centre de Samsun, je me précipite dans un magasin de musique afin d’acheter un nouveau capodastre pour ma guitare (rapport à la perte du mien lors d’un certain gadin dans une certaine descente de route certainement gravillonneuse une certaine nuit…). Dans le magasin, je rencontre Bahadir avec qui je sympathise immédiatement. Il me propose de voir le match Milan – Liverpool en sa compagnie dans un bar. Avant cela, je joue un peu dans la rue et fais un carton… Enfin, en termes financiers du moins : 50 Lires turques (TRL) : 30 Euro, ce qui est une belle somme. En effet, l’hôtel, relativement cher, où je suis installé ici me coûte 15 TRL, une heure d’Internet 0,75 et un kebab entre 1 et 1,5 TRL… Donc avec 50 en une heure de gratte c’est pas mal…

 

Une heure étant le temps qu’il a fallu à la police pour me virer… Il faut dire qu’à leur première tentative les passants m’ont défendu et les policiers (municipaux) ont dû se résoudre à me laisser continuer. C’est seulement une fois que l’effet de surprise se fut dissipé, tout comme ma voix et donc mon public, que les flics sont revenus à la charge et m’ont gentiment signifié qu’il me fallait DE-GA-GER… M’en fout, j’ai les poches pleines pour ce qui s’annonce une grande soirée…

 

Je me rends ensuite au bar Baran dont le patron m’a vu dans la rue et veut que je gratte pour ses clients. C’est chose faite en échange d’un superbe repas (pas les kebabs à 1 TRL), et d’un grand verre de Coca… Son bar est un endroit relativement atypique, me rappelant un peu la Posada Del Angel où je jouai jadis, à Lima, mais cette fois plus axé sur le cinéma que sur les antiquités. Bref, je me rends ensuite dans un autre bar en compagnie de Bahadir qui m’a rejoint avec son pote Djunai (excellent musicien) et un couple rencontré au Baran café. La composante masculine de ce couple a des origines italiennes, une grand-mère toujours là-bas et une tante vivant à Milan. Evidemment, en tant qu’énooooorme fan du Milan AC il arbore le maillot rouge et noir de nos adversaires du jour. Je vous laisse imaginer les discussions d’avant match entre nous deux : un mélange de vannes, de moqueries et de pseudo science du football, surtout en ce qui me concerne…

 

Et puis arrive le début du match avec ce but milanais dans la première minute. Je garde alors mon calme malgré les 4 autres zozos qui se foutent de moi, surtout le fan de Milan. Quand vient le deuxième but je commence à m’inquiéter sérieusement, mais je réponds dignement aux attaques et moqueries du clan d’en face, en leur disant notamment que ça ne change rien et que, de toutes façons, on va gagner… C’est alors que survient le troisième but et avec lui les premières fissures dans ma dignité… Malgré tout, je maintiens le cap, un peu comme sur le vélo, et leur dis qu’on va gagner quand même… Que ce sera juste un peu plus dur, mais que bon, on va le faire…

 

A la mi-temps l’Italien me pose la question suivante : “Tu ne bois pas d’alcool, tu ne fumes pas, et regarde maintenant ton équipe qui ne sait pas jouer… Mais pourquoi tu vis ?” Et moi, du tac o tac… Heu… Pas vraiment du tac o tac, mais bon, je lui réponds sans en croire un seul mot (surtout les quatre derniers…) : “Je vis pour voir ta tête à la fin de ce match quand Liverpool sera champion d’Europe !”. Comme vous le savez sans doute, je ne croyais pas si bien dire. 3 buts en 6 minutes pour Liverpool et voilà mon milanais Turc qui retire son maillot, humilié me dit-il, car même s’ils gagnaient maintenant il se sentirait quand même humilié pour les trois buts en six minutes… Et puis, Liverpool qui gagne aux tirs aux buts grâce à un Dudek (le gardien de but) qui sauve sa saison sur un match… Bref, je suis un peu aux anges, mais ma joie est quelque peu tempérée par la tristesse effective de mon compère iturclien[i] et, en fin de compte, je suis presque plus déçu pour lui qu’heureux pour mon équipe… Car après tout, ce ne sont que de jeunes multimillionnaires qui courent après un ballon et qui, ce faisant, donnent de l’émotion à de multi millions d’autres gars. Relativisons un peu bordel ! Enfin, Liverpool Champion d’Europe quoi !!!

 

Mes journées suivantes à Samsun sont partagées entre un peu de gratte dans les rues (mêlé d’un subtil jeu de cache-cache avec la police municipale), le Baran café, le Kosk bar (où le patron me fait jouer une soirée… devant personne, ou presque…) et le magasin de musique de Bahadir. Je réponds aussi aux questions d’une agence de presse alors que je joue dans la rue. Ceci me vaut, le lendemain, une flopée d’articles dans les journaux locaux et un autre (avec quelques erreurs) dans le journal Posta, édition nationale. Ce qui me fait le plus plaisir, néanmoins, est de partager la première page d’un journal local avec Sami Hyypia, défenseur central de Liverpool. En effet, le journal rappelait à ses lecteurs qu’en 95-96 le jeune défenseur finlandais (champion d’Europe avec le LFC depuis hier) avait fait un essai de quelques semaines au club de Samsun : Samsunspor, mais que l’entraîneur d’alors avait conclu qu’il n’était pas assez bon et n’en avait donc pas voulu… Bref, je partage une première page avec Hyypia. Rien que pour ça, ça valait le coup de venir jusqu’ici en vélo.

 

[i] iturclien : Mélange entre les nationalités italiennes et turques.

Je quitte finalement Samsun après quatre jours sur place et entame une période de cinq jours qui vont me voir parcourir presque 500 kilomètres sur cette portion de côte plutôt plate jusqu’à la Géorgie. Je passe par Unye. Je dors dans le restaurant de la salle de foot où je viens de jouer 2 matches avec des gars du coin, après mes 85 kilomètres du jour.

Le lendemain matin, en traversant la ville, je réponds aux questions de la même agence de presse que celle de Sinop.

 

Ensuite, c’est Piraziz qui m’accueille après une pause gratte dans le centre d’Ordu. A Piraziz, je dors chez les policiers… Pas dans une cellule, bien que cela aurait pu se faire. Les policiers qui m’ont proposé de camper dans leur jardin n’ont pas osé me proposer la cellule. Ce n’est que le lendemain que les autres m’ont dit que j’aurais pu y dormir… Ça aurait fait bien sur mon CV : a survécu une nuit dans une prison turque… Ceci dit, je n’ai jamais vu Midnight Express… Je n’aurais pas pu faire de comparaison… Mais bon, je pense tout de même qu’Alan Parker doit avoir un peu exagéré… ;-). Et puis, le lendemain matin, le flic qui parle anglais me dit de me méfier des policiers géorgiens car ce sont des barbares. Je lui demande s’il est déjà allé en Géorgie mais il me répond par la négative. Alors je lui demande comment il sait que ce sont des barbares et il me répond qu’il a vu des reportages et lu des livres… Je suis à deux doigts de lui dire que si on croyait tout ce que disent les reportages, les films et les livres, je n’aurais jamais accepté leur invitation… Mais bon, ça occasionnerait sûrement un froid… et ce serait dommage.

Aujourd’hui, il fait grand beau temps. C’est donc d’une franche bonne humeur que j’enfourche mon vélo en direction de Giresun et de Trabzon. Le soir même, je suis à Besikduzu, entre Giresun et Trabzon, après une journée de 106 kilomètres. J’y dors dans un bus après avoir passé la soirée avec le responsable d’un de ces petits terrains de foot. J’ouvre à nouveau une parenthèse pour vous parler de ces terrains de foot que l’on trouve dans la plupart des villes (sur la côte du moins) et qui marchent du tonnerre. C’est un business hallucinant. Pour moi, c’est une aubaine car je peux jouer au foot, prendre une douche et faire des rencontres qui vont généralement se terminer par une opportunité d’hébergement. Ce sont des terrains de handball, recouvert de moquette, avec des buts un peu plus grands que pour le hand, et sur lesquels s’affrontent des équipes de 6 ou 7, comme pour le foot en salle dont c’est un peu l’équivalent. La différence étant que là c’est fait exprès pour le foot. Parfois le terrain est couvert, ce qui garantit une fréquentation régulière et permanente. En général c’est 50 TRL (30 Euro) la location pour une heure. Ce qui est raisonnable : 3 TRL par personne quand ils sont 7 par équipe. Souvent le terrain est accompagné d’un café-bar-restaurant et de tables de ping-pong… Bref. Revenons à nos moutons et à Besikduzu. Le gardien du parking d’autobus voisin me fait dormir dans un bus et je repars le lendemain matin pour Trabzon.

 

Le vent aidant, j’arrive à Trabzon vers les 11H30 et me rends directement au consulat géorgien où j’obtiens mon visa en moins de 10 minutes, comme me l’avait prédit un anglais de ma chambre à Istanbul. Heureux comme un pape nouvellement élu je m’en vais gratter dans l’avenue piétonne et battre mon record puisque je fais un petit hold-up de 54 TRL. Heureux comme un Premier Ministre nouvellement nommé, je m’en repars de Trabzon sous un radieux soleil. Je pousse jusqu’à Of (118 Kms) où je dors, devinez où, dans la pièce de la chaudière au bord du terrain de foot.

Le lendemain je repars pour Rize. J’y arrive sous la pluie et y reste bloqué 2 bonnes heures à cause d’elle. J’en repars, toujours en longeant la mer Noire, et arrive à Findikli. J’y trouve un café Internet et y finis ma soirée. Le proprio, voyant la pluie et son touriste sans hébergement, me propose de dormir chez lui, ce qui m’arrange grave !

Et puis, le lendemain, hier donc, je repars en direction de la Géorgie. La mer est déchaînée et je me fais asperger en voulant prendre quelques photos d’un peu trop près. Dirais-je que l’entrée en Géorgie se fait comme une lettre à la poste ? En tout cas il me faut à peu près autant de temps pour passer de l’autre côté qu’il ne m’en a fallu pour obtenir le visa… Et c’est sous une pluie battante que j’arrive à Batoumi d’où je vous écris.

Je laisse derrière moi un pays impressionnant, notamment par la qualité humaine de ses habitants. Un pays où la délinquance ne semble pas faire partie du paysage… En tout cas, partout où je suis passé, on m’a dit qu’il n’y avait pas de problèmes pour mon vélo (aussi chargé soit-il) et ça s’est vérifié. Un pays où les chiottes (à la turque…) sont propres ! C’est vrai, on s’imagine tous des WC turques dégueulasses… Hé bien ici, ils sont propres… Un pays où j’ai dû refuser une dizaine d’invitations par jour à boire du thé (hé oui, j’aime pas le thé…).

 

Ceci dit, et pour pas que vous n’alliez imaginer que la Turquie c’est le paradis (sinon c’est pas eux qui voudraient rentrer dans l’Europe mais l’Europe qui voudraient rentrer dans la Turquie… Quoique l’Europe ne soit pas non plus le paradis… Sinon les français n’auraient pas voté non à la ratification du traité de constitution européenne… Quoique les français ne sont pas les plus intelligents et les plus forts, sinon ils gagneraient la coupe du monde de foot à chaque fois et la Louisiane serait encore française…), je vais vous faire part des quelques points qui m’ont un peu saoulé, voire chauffé les oreilles…

 

D’abord, les automobilistes et autres crétins à volant. En Turquie comme ailleurs, les gens, aussi gentils et hospitaliers soient-ils, deviennent de gros cons dans une trop grande proportion dès qu’ils ont un volant entre les mains ! Et donc, camionneurs, chauffeurs de bus et autres automobilistes, aussi sympas soient-ils lorsqu’il n’y a personne en face et qu’ils me doublent ou me croisent, deviennent des assassins en puissance dès qu’il y a quelqu’un en face et qu’ils doivent attendre pour me doubler… Parce qu’ils n’attendent pas les bougres… Ils me serrent après m’avoir klaxonné deux ou trois fois. Et pas le coup de klaxon amical qui veut dire : ‘courage mon gars’, mais bien le coup de klaxon énervé qui veut dire : ‘bouge-toi d’là blaireau ! Tu crois quand même pas que je vais ralentir pour une tapette à vélo !’. Il y a aussi le malade mental qui vient d’en face et qui double malgré ma présence (chose qu’il ne ferait pas si je conduisais moi-même un 35 tonnes...) et qui m’oblige à me déporter… Bref, ça se termine souvent par un Lionel furibond dans le bas-côté en train d’insulter la mère du chauffard en question en souhaitant à son fils de trépasser prochainement dans d’atroces souffrances (genre visionnage de TF1 ou de Derrick en boucle, etc.) et en lui montrant que je ne me suis pas coupé les ongles récemment, surtout celui du majeur…

 

Et puis, moi qui déteste le klaxon, me voici à nouveau dans un de ces pays où tout le monde ‘conduit au klaxon’… Je suppose que ce doit être une sorte de punition divine… Dieu doit être supporter du Milan AC ou de Manchester United…

 

Et puis, il y a aussi les questions… Vous ai-je dit que j’avais changé de métier ? En effet, vu mon niveau de turc, il m’est difficile d’expliquer à des gens qui ne parlent pas anglais que je suis directeur de colos, formateur socio-éducatif (activité ultra minoritaire) et que, le reste du temps, je vis de petits boulots… Et comme, INVARIABLEMENT, on me demande (outre mon nom, mon âge, mon pays d’origine, où je vais et si je suis marié) quelle est ma profession, je réponds, en turc : Professeur d’anglais… Il faut dire que, techniquement, avec ma licence, je pourrais être prof d’anglais remplaçant et que, vu le niveau d’anglais des profs d’anglais en Turquie (ceux que j’ai rencontrés, une bonne dizaine en tout…) cette réponse est plausible. Ça m’évite des heures de vaines explications.

 

Il y a aussi le cas du relou qui a vécu en Allemagne (vous n’êtes pas sans savoir qu’un nombre non négligeable de turcs vont et reviennent d’Allemagne) et qui me parle en allemand sans jamais en démordre, même après que je lui aie dit que je ne parlais pas allemand et que je préférais qu’on essaye de communiquer en turc. Pour certains d’entre eux, je les soupçonne de faire ça plus pour montrer aux autres qu’ils parlent allemand que pour vraiment communiquer avec moi… Mais je dis ça parce que je ferais sûrement pareil à leur place… Et moi, par esprit de contradiction, même si je comprends ce qu’ils me disent (pas toujours, je n’en suis pas encore là en allemand…), je fais celui qui parle pas du tout l’allemand. Na !

 

Ceci ne retire rien au caractère extrêmement sympathique de la plupart des gens (sans volant entre les mains !) que j’y ai rencontré. Et cela ne retire rien à l’envie que j’aie de revenir un jour en Turquie, approfondir Istanbul et découvrir l’intérieur du pays.

 

Mais pour l’instant c’est la Géorgie qui m’attend.

 

Lionel.

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