Paris-Shanghaï à vélo
MESSAGE N° 6 : le 10/05/2005
Ça fait pas super longtemps que je vous ai écrit mais bon, entre temps, je suis entré en Turquie… Alors… Ça mérite bien un nouvel épisode des aventures de Yoyo à vélo, non ?
Déjà, vous pouvez imaginer la soirée mémorable que j’ai passée hier avec la qualification de Liverpool pour la finale de la Ligue des Champions… Je repars donc de Burgas en laissant mes copines sur place (Dimana, Eva et Koce), mais, tout de même, avec une ENOOOORME banane sur le visage. Je prends la direction de la frontière turque. Il fait bien beau ce jour-là et la journée commence par la traversée d’un immense pont sur l’embouchure de ce qui paraît n’être finalement qu’un tout petit cours d’eau. Je suppose qu’en période de crue il doit tout inonder en dessous. Bref, après le pont m’attend la première surprise du jour puisque je ne trouve pas la route que je voulais prendre et me retrouve sur une portion d’autoroute d’environ 10 kilomètres… Pas long, me direz-vous… Oui, mais dix kilomètres de montée. Heureusement, les bulgares ne sont pas roumains (sinon ça s’appellerait aussi la Roumanie) et ils conduisent un peu moins follement. Je survis donc à cette nouvelle expérience autoroutienne[i].
La journée est vraiment magnifique. De jolis paysages, des villages logés dans des creux entre les collines, ou en haut, c’est au choix… Quoiqu’il en soit, c’est agréablissime de pédaler dans ces conditions. Bien qu’elle n’ait rien d’un grand axe, La route que j’emprunte est tout de même bien entretenue puisque c’est une nationale… Le luxe quoi…
J’arrive donc en fin d’après-midi à la frontière avec la Turquie. Il faut dire qu’avant ça, j’en ai tout de même un peu chié (soyons cru) ! Parce qu’il fait beau, certes ! C’est joli, certes ! Mais ça monte sacrément dans le coin… Enfin… La troisième surprise du jour (la deuxième c’était les serpents sur la route…) m’attend à la frontière. En effet, j’y rencontre deux suisses à vélo, Florian et Nicolas, qui vont jusqu’en Inde.
Max, un français qui créchait dans la même auberge que moi à Bucarest, m’avait parlé d’eux car il les avait rencontrés en sortant un soir. Ces derniers lui avaient même remis un petit papier pour moi avec un mot sympa et leurs adresses électroniques respectives au cas où je voudrais les contacter. C’est d’ailleurs ce que je m’apprêtais à faire dès le lendemain… Mais bon, voilà... Nous nous rencontrons donc à la frontière. Échanges de questions, de remarques, d’expériences etc.
Nous décidons de continuer ensemble jusqu’au prochain village : Derekoÿ. Une fois sur place, nous goûtons avec bonheur à la gentillesse et au sens de l’hospitalité turcs. Les gens sont vraiment gentils avec nous, nous saluant quasiment tous avec un sourire et, souvent, un geste de la main. Un bonhomme nous propose même de camper près d’un restaurant qui semble être le sien à 2 kilomètres en sortant du bled. Nous nous y rendons. Le gars qui garde le resto est sympa comme tout et nous laisse utiliser sa cuisine et les tables pour manger. Nous passons une agréable soirée avec les suisses à apprendre à nous connaître un peu mieux. Ils ont 19 ans, et rien que pour ça, ils m’impressionnent. Moi, à 19 ans, je partais en Angleterre faire du stop entre Londres et Liverpool, et déjà, j’étais content... Bref, ils sont de Lausanne et parlent français avec ce fameux accent qui m’enchante. Finalement, nous allons nous coucher. Eux plantent leur grande tente et moi je tends mon hamac sous une espèce d’abri en bois.
Ce matin, le soleil est de nouveau de sortie et nous montre l’endroit sous son vrai jour. Il s’agit d’une petite exploitation de pisciculture. C’est magnifique. Une petite rivière (un ruisseau oui !), des bassins, des arbres, des grenouilles et des lézards multicolores. [i] autoroutien : Adjectif qualificatif se rapportant à une autoroute.
Burgas - Istamboul... (de gomme !)
Nous repartons sur le coup de midi pour ce qui sera ma plus courte étape depuis le début... En effet, une fois à Kirklareli, nous mangeons et prenons un verre dans le parc, à l’ombre, tranquilles. Verre qu’un bonhomme nous offre, juste pour le plaisir de parler avec nous. Nous allons aussi consulter nos mails et perdons encore pas mal de temps. Les gens sont toujours aussi charmants. Ils veulent souvent nous parler et nous font presque à chaque fois des signes de la main ou de la tête. Je grattouille et chante pour un petit attroupement d’ados en attendant les suisses devant le café Internet.
Nous finissons tout de même par repartir vers les 17H. Mais voilà, à 3 kilomètres de là, nous nous arrêtons dans une espèce de resto routier dont les proprios nous ont fait signe de les rejoindre en nous voyant passer. Ils nous offrent un petit quelque chose qui ressemble à des tripes, en meilleur, avec une sauce bien bonne. Nous sympathisons. Ils nous proposent de dormir dans le restaurant pour cette nuit. Nous acceptons et passons donc la soirée avec eux. Hayrullah, le plus sympa d’entre eux, a une bouille hallucinante. La dizaine de photos que je prends de lui sans qu’il ne s’en aperçoive le prouve : il est hilare sur chacune d’entre elles... Énorme !
Le lendemain matin, nous remercions Hayrullah et ses amis et reprenons la route vers Istanbul. Nous mangeons à Vize. Les suisses et moi nous séparons là car eux ne veulent pas arriver trop vite à Istanbul. Ils vont donc tourner un peu dans le coin. Nous devrions nous retrouver d’ici quelques jours, lorsqu’ils seront sur Istanbul et que je n’en serai pas encore parti.
Je continue donc seul jusqu’à Saray où je m’arrête pour consulter à nouveau mes mails. En cherchant un café Internet, je rencontre un professeur d’anglais qui, après m’avoir suivi jusqu’au cyber café en question, m’invite finalement à dormir chez lui. Il s’appelle Tolga. Je mange donc chez lui. Après cela, nous sortons afin de rencontrer ses amis. Ils sont très contents de faire ma connaissance et d’autant plus une fois que j’ai sorti la guitare. Nous passons la soirée dans un parc en dehors de Saray, moi devant du jus de pêche, et eux, derrières moult bières... Le retour en ville me fait un peu flipper, rapport à l’état d’ébriété avancé du chauffeur, Egep, le charismatique prof de philo qui se murge avec ses élèves...
Le lendemain matin, c’est assez dur car il me manque clairement des heures de sommeil. Je remercie Tolga et repars dans l’espoir d’atteindre Istanbul aujourd’hui. Mon espoir se brise après seulement deux coups de pédales. En effet, le ciel est certes magnifiquement bleu, mais le vent violent est puissamment CONTRE moi. En plus, des résurgences de mon problème de pédalier me font m’arrêter dans un village pour réparer. Ma moyenne est de 11 Km/h. Alors, après 30 kilomètres, à la sortie d’une ville assez grosse, je tends le pouce et me fait prendre par une camionnette qui va dans ma direction. On m’emmène sur 40 kilomètres. Lorsqu’on me dépose, je suis au bord de la mer et le vent est cette fois dans mon dos. Je peux donc filer vers Istanbul.
J’y arrive en fin d’après-midi. Auparavant, des gens rencontrés au bord de la mer, lors d’une courte pause, m’ont offert un sandwich. Je descends à l’Hostel Istanbul. Si vous venez ici, je ne vous le recommande pas. L’équipe m’est particulièrement antipathique. Des gars qui m’appellent « my friend » alors qu’on ne se connaît pas, déjà, j’aime pas... Mais en plus, comble du comble, je suis tombé dans la « meilleure » auberge d’Istanbul d’après le Let’s Go Middle East ou Turkey (équivalent, en pire, oui c’est possible, du Guide du Routard...). Résultat, c’est gavé de backpackers américains. Moi qui fais déjà des efforts pour les supporter quand ils ne sont pas nombreux... M’enfin, je prends sur moi et évite les incidents diplomatiques, même quand je les entends sortir d’innommables conneries. Et ils en sortent les bougres !
La ville est énooooorme, pas spécialement belle mais jalonnée de monuments (souvent des édifices religieux) tous plus extraordinaires les uns que les autres. Ses côtés tentaculaires et cosmopolites lui donnent un certain caractère et ajoutent à son charme. Je me barre dès que je peux du quartier où je suis, Sultanahmet, qui est le quartier à touristes. Les prix y sont à peu près 3 fois plus élevés que dans le reste d’Istanbul qui est déjà plus chère que le reste du pays. Comme j’ai déjà pas mal tourné dans la ville, je pense repartir demain ou après-demain en direction de la Géorgie.
oilà, vous savez tout… Ou presque.
Lionel