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MESSAGE N°15, le : 25/11/2005

Jodhpur - Calcutta... Plus rien à faire ici !

Salut tout le monde.

 

Je vous avais donc laissé la dernière fois, il y a peu d’ailleurs, à la gare d’Ajmer au moment de prendre le train pour Jodhpur. Il faut que je vous dise que depuis l’achat de mon guide Lonely Planet Inde, je n’ai qu’une hâte : me rendre à Jodhpur afin de pouvoir admirer l’immense fort, citadelle même, qui domine la ville. En effet, la photo dans le guide le met particulièrement bien en valeur et m’a instantanément donné envie de voir la chose en vrai de dedans la vie. Nous prenons donc un train pour Jodhpur et sommes heureux de constater que, contrairement au reste du pays, dans les trains, c’est pas trop le bordel ! Il y a bien sûr tous les petits tracas administratifs pour mettre les vélos dans le wagon, réservé aux bagages encombrants avec tout un tas de petites signatures et pourboires imaginaires mais, globalement, ça marche. Et puis nous ne sommes pas trop serrés et avons même des places assises, alors...

 

Nous sommes à Jodhpur en début de soirée et nous luttons pour trouver un hôtel. Finalement, les filles et moi emménageons dans un petit hôtel pas du tout cher du tout, alors que Fabien et Sabine, ayant décidé de se faire plaisir, vont prendre possession de leurs appartements dans une espèce de palace dont le prix me fait presque aussi mal au ventre (pour eux, bien sûr !) que mes récents problèmes gastriques...

 

Le lendemain, nous visitons le fameux fort. Déjà, d’en bas, ça claque, mais une fois là-haut !... C’est juste immense. En plus, le fort est bâti sur un socle rocheux de plus de cent mètres de hauteur qui ajoute encore plus à la majesté de l’édifice. Une fois sur place, la visite se fait avec une espèce de walkman vachement bien avec des touches et dont le design rappelle les premiers téléphones portables... On y apprend que le maharadjah actuel est un chic type, super riche, mais un chic type tout de même... Comme quoi, vous voyez.... On y apprend (enfin moi je le savais parce que comme je suis en Inde j’ai un peu lu le guide pour me renseigner) que les nombreuses femmes des maharadjahs successifs (que l’on avait forcées à épouser) devaient commettre une sorte de suicide collectif en se jetant sur le bûcher funéraire de leur mari quand celui-ci décédait... Et elles le faisaient, les folles... Enfin, je dis les folles mais je suis un peu dur car il me semble qu’elles n’avaient pas bien le choix... En tout cas, comment le gars raconte ça, c’est assez drôle. Si je me rappelle bien, il utilise la phrase : « elles se jetaient sur le bûcher dans une splendide union  funèbre » ou un truc du style... 

De là-haut, j’en profite aussi pour faire quelques photos panoramiques de Jodhpur qui, elle, mérite bien son surnom : la ville bleue ! En plus d’être beau, c’est assez impressionnant. 

Ensuite, nous redescendons manger dans le centre et visiter un peu la vieille ville, la bleue quoi...

Le jour suivant, au matin, nous prenons les vélos avec les filles pour faire un premier essai et je dois dire qu’elles se débrouillent à merveille. Elles me suivent sans faillir à travers la jungle des voitures, bicyclettes, auto rickshaws, vélo rickshaws, vaches et autres ânes ou vulgaires piétons sans oublier les tracteurs, marchands de fruits ou scooters garés n’importe où, et ce multiplié par 15 ! Nous traversons des quartiers vraiment pauvres, et je repense à la question que me posait Sabine il y a peu : « Mais où se trouve l’Inde des statistiques flamboyantes ? L’Inde qui soi-disant décolle économiquement ? » En tout cas, pour l’instant, à part quelques 4X4 aux vitres teintées par-ci par-là et certains quartiers de Delhi, je ne l’ai pas encore vu cette Inde là... Nous montons sur une autre colline pour faire d’autres panoramiques de la ville et du fort qui la domine.

Ensuite, nous rejoignons Fabien et Sabine pour aller réserver nos billets de trains (finalement ce sera le bus car le train est déjà complet !) et visiter le joli mausolée tout blanc de Jaswant Tadant. Nous y passons une bonne partie de l’après-midi, notamment à cavaler sur les remparts voisins et nous retournons dans le centre au coucher du soleil. 

Le soir même, nous prenons notre bus en direction de Jaisalmer : la perle du désert. Après un voyage correct, nous arrivons très très tôt sur Jaisalmer, genre même pas 5 heures du mat... Nous nous rendons à l’hôtel que nous avait recommandé le gars du restaurant où nous avions soupé la veille encore, à Jodhpur, et le gars nous laisse nous installer gratuitement pour finir la nuit dans une grande chambre tous les cinq. Nous nous entendons avec lui sur le prix pour cette chambre plus une autre qui doit se libérer plus tard pour Fab et Sab. Nous émergeons vers les 11 heures et nous rendons dans la vieille ville, à l’intérieur de la magnifique citadelle.

Nous avons beaucoup de choses à faire. Entre autres, trouver une excursion pas trop chère et de bonne qualité pour faire LA balade dans le désert à dos de dromadaire..., trouver une banque et aller réserver nos billets de train le jour même pour dans 2 jours afin de ne pas nous faire avoir comme à Jodhpur.

 

Nous décidons de commencer par les billets de train. Ça nous prend 2 bonnes heures et nous gâche l’après-midi, mais au moins nous avons nos billets. Ensuite, nous réservons un safari (je n’aime pas le mot...) dans une agence reconnue et allons nous restaurer dans un restau italien car nous l’avons bien mérité. Il faut vous dire que depuis mes ennuis gastriques, et surtout, depuis que j’ai décidé de solutionner ce problème majeur de mon voyage, je cherche au maximum à éviter la nourriture indienne et son lot insupportable d’épices diverses et variées. Il se trouve qu’après quelques problèmes du même ordre Fabien et Sabine aussi. Enfin, Agostina et Brenda sont au même régime : même cause, même punition ! Bref, voilà pourquoi ces derniers jours nous enchaînons les restaurants à touristes qui sont plus ou moins les seuls qui ne mettent pas d’épices quand on le leur demande. En effet, dans la plupart des restaurants ou dabas, quand on demande expressément «SANS EPICES» les gars chargés du service nous font de grands sourires, nous répètent : «OUI, OUI, PAS D’EPICES, NO PROBLEM !» et bon, le plat arrive avec son lot insupportable d’épices diverses et variées.

 

Bref, le lendemain matin, nous nous levons très tôt (il faut savoir que la veille le gars de l’hôtel nous a viré car nous ne voulions pas accepter l’augmentation inopinée du tarif de la chambre alors que nous devions rester à 5 dedans car, comme prévu par moi-même, la chambre pour Fab et Sab ne s’était pas libérée... Nous avons dû changer d’hôtel à 8 heures du soir...) et nous nous rendons en jeep au point de rendez-vous avec le chamelier. Il nous confie à chacun un dromadaire (dois-je appeler le gars un dromadairelier[i] ? Docteur Jérôme, à l’aide !) et nous voilà partis pour deux journées de tape-cul. Je dois avouer, sans prétention aucune, que le coup du dromadaire tape-cul, ça aussi, je l’avais vu venir d’assez loin...

 

Le dromadaireman[ii] est plutôt sympa en ce premier jour, il blague pas mal et ça se passe bien. Nous mangeons à l’ombre d’un arbre un repas végétarien[1] que nous prépare le bonhomme, et après une courte sieste, nous repartons. En fin d’après-midi, nous escaladons à pied, c’est-à-dire pas sur les dromadaires (première déception) une petite dune que cameloman[iii] nous vend comme étant une grande dune. En effet, depuis le début nous sommes dans une zone aride mais qui n’est pas un désert. Et là, le gars nous dit que c’est une grande dune et que l’on ne peut pas y aller à dos de dromadaire car ils vont s’enfoncer dans le sable... Sabine me fait justement remarquer que les dromadaires c’est un peu fait exprès pour ça ! En plus, sa dune est riquiquite[iv] et nous commençons à flairer la semi-arnaque.

 

Quand le gars nous a vendu le tour, il nous a montré des photos et quasiment toutes étaient dans le sable des dunes... Mais en fait, des dunes, il n’y en a que très peu et elles se trouvent isolées au milieu de zones arides et habitées. Je ne vous parle pas des éoliennes omniprésentes plus ou moins près de nous...

 

Finalement, nous bivouaquons sur une autre dune, encore plus petite que la première et dont le sable possède apparemment des vertus différentes car, cette fois-ci, nous pouvons y grimper à dos de dromadaire sans qu’ils ne s’y enfoncent pour autant... Le cornac des dromadaires nous prépare à nouveau un repas au coin du feu. Puis nous nous glissons dans nos sacs de couchage, sur les dunes, sous un ciel joliment étoilé, parmi des millions de scarabées bousiers qui donnent des frayeurs à mes compagnons, en particulier à Sabine... Je gratouille un peu pour l’ambiance, me couche et m’endort ensuite. Les filles, qui ont fumé des choses louches qu’elles ont cueillies dans les montagnes indiennes, se tapent un mauvais trip et croient que dromadaireman va tous nous égorger... Agostina, en particulier, m’avouera n’avoir quasiment pas dormi de la nuit à cause de ça... Moi, ça me fait rire. Mais il faut bien admettre que je suis particulièrement mauvais esprit comme garçon !      

 

Le lendemain, les choses vont empirant. Le guide est de moins en moins cool, on sent qu’il est pressé de terminer sa journée. Ceci dit, nous aussi. Le repas du midi se prend dans un espèce d’oasis plus ou moins asséchée, plutôt jolie. Puis arrive la fin du calvaire de nos fesses, vers les 17H.

 

[1]              L’Inde est un peu le paradis des végétariens et donc un peu l’Enfer pour Fabien et moi

[i]               Dromadairelier : Conducteur de dromadaires.

[ii]              Dromadaireman : Conducteur de dromadaires.

[iii]              Cameloman : Conducteur de chameaux et dromadaires.

[iv]              Riquiquite : Tout petit.

Nous rentrons à Jaisalmer en Jeep et allons manger avant de reprendre un train pour Jodhpur où nous devons récupérer les vélos et prendre un autre train pour Delhi. Fabien et Sabine eux partiront pour Delhi par un direct demain après-midi et arriveront 4 heures après nous dans la capitale.

 

Nous embarquons donc dans notre train avec Agostina et Brenda et arrivons sur Jodhpur encore assez tôt le matin. Nous nous rendons à notre hôtel où nous retrouvons nos bicyclettes. Aujourd’hui, nous devons aussi retrouver les suisses qui sont sur place et à qui j’ai donné rendez-vous par e-mail afin de pouvoir leur dire au revoir correctement. Nous nous rendons à leur hôtel à l’heure prévue et, au lieu de mes deux petits suisses, nous croisons une vieille connaissance mienne : le gars Richard ! Cette fois-ci, les retrouvailles sont un peu plus chaleureuses qu’à Persépolis et nous sommes tous les deux franchement contents que le hasard nous ait fait nous croiser à nouveau. Nous avons pas mal de choses à nous raconter et il hallucine quand il apprend que les filles vont poursuivre à vélo avec moi à partir de Delhi.

 

Nous retrouvons ensuite les petits suisses qui ont un peu 2 heures de retard (le quart d’heure vaudois...). Je suis enchanté de les retrouver aussi et nous prenons notre repas ensemble. 

Ils n’ont pas fait trop de bêtises depuis la dernière fois où je les ai vus sur Delhi. Malheureusement, nous devons prendre notre train avec les filles et nous ne passons finalement que peu de temps avec eux. Ils nous accompagnent toutefois à notre hôtel et nous nous faisons nos adieux en nous souhaitant mutuellement une bonne suite de voyage. Richard va retourner sur Delhi début novembre pour redémarrer le vélo en direction du sud et essayera de se diriger lui aussi vers Singapour et la Malaisie... Mes petits suisses, quant à eux, vont descendre aussi sur Bombay, puis essayeront de trouver des bateaux vers le sud, si j’ai bien compris, pour ensuite essayer de rentrer, toujours en bateau, vers l’Italie afin de rejoindre à vélo leur Suisse natale. Avant de nous quitter, ils me remettent leur fameuse peluche…

 

Je ne crois pas l’avoir mentionné dans des mails précédents. Il s’agit en fait d’une peluche voyageuse. Il y en a 17 au total et elles viennent de Norvège (d’après Florian et Nico). Le principe est simple, il s’agit de faire voyager les peluches et de les prendre en photos dans les endroits les plus insolites et/ou les plus touristiques du monde. Ensuite, on envoie les photos sur le site Internet de ceux qui ont lancé le machin et ils les mettent en ligne. Ainsi, on peut suivre le voyage de chaque peluche. Bien sûr une fois que son propre voyage s’achève il faut transmettre la peluche à d’autres voyageurs afin qu’ELLE ne s’arrête pas de voyager pour autant… N’est-ce pas un fabuleux destin ? Ne me demandez pas la page du site de la peluche ni son nom car Nico et Flo ne me les ont pas encore transmis… En revanche, j’ai rebaptisé la chose  Mankunpat. En effet, quand ils me l’ont refilé elle avait une patte cassée (sectionnée) ainsi qu’un énorme pansement. Depuis, j’ai perdu la patte et donc : manque une patte !

 

Nous allons prendre le train pour Delhi (deuxième nuit de train d’affilée) et y sommes vers les 6H du mat. Nous nous rendons à bicyclette à la Ringo Guesthouse qui, malgré son glorieux nom, est la pire auberge où j’ai pu loger durant mes voyages. Le problème c’est que c’est sûrement l’une des plus tranquilles de Delhi, et elle n’est pas dans Paharganj, le coin à touristes... En plus, nous y avions laissé un sac à dos avec des affaires à moi. Bref, nous nous y installons et attendons Fabien et Sabine qui arrivent avec un peu de retard mais bon, ils sont là et c’est l’essentiel.

 

Fabien et Sabine repartent demain soir (le 26 très tard) et nous, les filles et moi, le 27 au matin, très tôt si possible. Résultat, ils ont des courses à faire et nous tout un tas de trucs à régler et à

 

acheter, notamment pour les bicyclettes des demoiselles. Nous ne nous voyons donc pas beaucoup durant ces deux jours. Finalement, je les accompagne à l’aéroport où nous nous séparons non sans une certaine émotion. Je crois (et j’espère) qu’ils repartent satisfaits de leur voyage. Et puis, ça nous a fait bien plaisir de nous revoir après 7 mois. Je les remercie une fois de plus d’être venus me voir et d’avoir passé ces 3 semaines avec moi et les laisse prendre leur avion.

 

Le lendemain matin, c’est le grand départ... surtout pour les filles. Ça commence assez mal puisque Brenda est un peu malade. Elle insiste tout de même pour que nous prenions la route. Ce premier jour est assez révélateur (mais je m’y attendais) des capacités physiques et mentales de mes deux nouvelles partenaires. En effet, nous décollons assez tard, vers les onze heures, devons affronter le trafic de Delhi (pas le pire, mais tout de même), la pollution, et sortir de la ville. Et tout se passe très très bien. Au final, nous avons parcouru 55 Kms. Lors de notre première étape, Richard et moi n’en avions pédalé qu’une cinquantaine.

Mieux, le deuxième jour elles me surprennent d’un joli 70 Kms ! Nous voulions nous arrêter à 60 mais le proprio du Daba nous fait un faux plan (genre nous faire payer 8 Euros une chambre de 1 Euro maximum. Prix indien bien sûr !).

 

Nous bougeons donc de 10 kilomètres, de nuit, et nous faisons même prendre la tête par un gars en voiture qui prétend être de la police et qui veut voir nos passeports. Je lui dis qu’il me montre d’abord sa carte de policier et que, de toute façon, je ne lui montrerai mes papiers que dans un commissariat. Comme il insiste je l’envoie péter à la Lionel Fashion Like ! Entre temps, nous sommes arrivés dans un daba tenu par des Sikhs et le gars repart dans une furie assez inquiétante. Nous soupons et nous couchons. Mais, vers les une heure du matin, le gars revient en gueulant qu’il est réellement de la police et qu’il veut voir nos passeports. Auparavant, il m’avait avoué qu’il tenait en fait un garage auto et qu’il voulait nous déconseiller, nous décommander même, de rouler de nuit sur cette route soi-disant dangereuse. Il m’avait même donné sa carte. Mais là, il revient et nous tape son scandale. Je pense qu’il est un peu éthylisé…. J’explique l’affaire aux gens du Daba et leur demande d’appeler les vrais flics. Entre temps, le gros naze repart une fois de plus en trombe, et les policiers arrivent peu après. Je leur conte à nouveau toute l’histoire et leur demande s’ils peuvent faire quelque chose car je crains que le gars ne revienne armé. Ils prennent sa carte et me dise qu’ils vont laisser du monde ici jusqu’au matin, ce qu’ils font et ce dont nous les remercions sincèrement avec les filles. On va pouvoir dormir un peu plus tranquilles, et nous en avons bien besoin.

Le lendemain matin, pas de nouvelles du type. Nous repartons en remerciant les proprios du daba. Il n’y a pas grand-chose à dire de ces premières journées de vélo car nous sommes sur la Grand Trunk Road. C’est un peu la colonne vertébrale du transport routier indien. Il s’agit d’une autoroute ralliant Amritsar (frontière Pakistanaise) à Calcutta en passant par Vârânasî. Et sur la portion que nous empruntons entre Delhi et Agra c’est une 2 fois 2 voies. C’est donc très peinard car nous roulons sur la bande d’arrêt d’urgence. Le seul point vraiment notable de ces trois premiers jours, en dehors de l’exceptionnelle condition physique des filles, c’est l’espèce de brume ambiante qui est en fait de la fumée en suspension. Apparemment, nous sommes en pleine période de récolte du blé et il semble qu’une fois le champ récolté ils brûlent ce qui reste et ce à l’échelle de toute une région, voire de tout le nord de l’Inde. Résultat, l’air n’est pas très respirable et le ciel est plus que laiteux…

 

Et puis, Brenda est toujours malade. Comme nous sommes à 20 kilomètres d’Agra, qu’elles souhaitent vraiment arriver aujourd’hui et que nous avons déjà parcouru 60 kilomètres, je les mets dans un camion et continue à vélo. Le trafic me permet d’arriver avant elles à l’hôtel où nous nous étions rendus Fabien, Sabine et moi deux semaines plus tôt… 

Nous y rencontrons d’autres cyclorandonneurs (un couple d’allemands et un couple belgo-basque) bien sympathiques avec qui nous échangeons nos impressions sur l’Inde et, plus particulièrement le vélo en Inde. Je suis content de rencontrer des gens un peu de mon avis. En effet, depuis un mois que je suis en Inde je me dis que, décidément, j’ai un peu de mal avec ce pays, et ce pour un tas de raisons diverses et variées que je préfère ne pas développer ici. Notamment leur conduite d’assassins sur les routes. Et il se trouve que les Belgo-Basques ont carrément décidé, alors qu’ils voyagent depuis plus d’un an et demi, de laisser tomber le vélo en Inde car ils trouvent cela trop dangereux et ils ne se font pas plaisir. Nous rencontrons aussi deux « belgettes » bien sympathiques et qui, au bout de cinq jours seulement en Inde en ont déjà plus ou moins marre… Comme je les comprends…

 

Le lendemain se passe tranquillement car Brenda est toujours malade. Et le jour suivant, au matin, elle va visiter le Taj Mahal car elle ne l’avait pas encore vu, contrairement à Agostina. Ensuite, nous mettons les voiles en direction de Gwalior où nous comptons être le surlendemain. Brenda va mieux mais, Agostina la relaye sur l’autel du dérangement gastrique et nous parvenons difficilement à atteindre notre objectif. En plus, le soir même il y a la fête des pétards à la con (les indiens appellent ça d’un autre nom mais ça me gonfle tellement de faire ma première expérience d’un bombardement aérien après une journée de vélo sous le cagnard que je m’en tiens à la fête des pétards à la con !). Nous dormons donc difficilement.

 

Le lendemain, pendant qu’Agostina se repose, Brenda et moi montons visiter l’immense forteresse qui domine la ville. Sur le chemin, nous pouvons admirer et prendre quelques photos de statues Jains sculptées à même la paroi. 

Nous reprenons ensuite la route assez tardivement, vers 14H, et ne faisons qu’une quarantaine de kilomètres, en raison de crevaisons à répétitions (ou, plus justement dit, de mauvaises réparations à répétition d’une crevaison originelle !).

Le lendemain, nous repartons de Dabra où nous avons passé la nuit et après une bonne journée de 76 Kms nous arrivons à Orchha.

Ce soir là, nous mettons au point certains problèmes relationnels entre Agostina et moi et la soirée est un peu tendue… Le jour suivant, je décide de visiter Orchha et ses innombrables temples tout seul, avec Mankunpat. Les temples d’Orchha sont magnifiquement situés près d’une rivière qui rend le tout très photogénique. C’est d’ailleurs en voyant une des photos dans le Lonely Planet (tout comme pour Jodhpur) que j’ai voulu m’y rendre. La journée passe à une vitesse folle mais j’en profite pour visiter l’essentiel de ce que je souhaitais voir. Je prends aussi des photos de Mankunpat devant les monuments ce qui ne manque pas d’intriguer les autres touristes, notamment les indiens

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Le soir, je retrouve les filles pour le repas et tout se passe très bien. 

Nous repartons le lendemain matin en direction de Khajurâho, notre prochaine étape. Il nous faut à nouveau deux jours pour atteindre notre objectif. Les routes sont maintenant des routes secondaires, souvent en très mauvais état, mais c’est tranquille. Elles sont peu transitées par les camions et les bus mais les jeeps débordantes de monde (au vrai sens du terme !) ne nous rendent tout de même pas la vie facile… Ceci dit, c’est plutôt peinard. Les gens, toujours très étonnés et curieux dès que nous nous arrêtons quelque part, sont dans l’ensemble très gentils et souriants. Souvent ils nous interpellent et nous font signe depuis le bord de la route.

Nous sommes donc à Khajurâho. Khajurâho est mondialement connue (patrimoine de l’Unesco, messieurs-dames, s’il vous plait !) pour ses nombreux temples et, notamment, les statues, dont de nombreuses érotiques, qui les ornent. Comme nous y sommes en début d’après-midi et que les filles veulent se reposer, je vais visiter les temples les plus isolés tout seul, toujours avec Mankunpat, et passe une belle après-midi à contempler des temples auxquels je ne comprends pas grand-chose mais qui n’en sont pas moins magnifiques.

 

Le lendemain matin, nous allons visiter le groupe ouest, le plus intéressant et le mieux conservé et nous payons même le luxe d’un guide (7 Euros) qui nous explique tout ça très bien tout en draguant gravement Brenda ! L’après-midi, je me balade dans le bled pendant que les filles vont voir les temples isolés. Le soir, nous rencontrons des espagnoles bien sympas à l’hôtel et allons nous coucher car demain matin nous voulons décoller tôt.

Il nous faudra 6 jours de vélo à travers la campagne indienne du Madyah Pradesh pour rejoindre Vârânasî, notre étape touristique suivante. Sur le chemin, nous camperons un maximum, rencontrant souvent de jeunes indiens en fin de journée. 

Un soir, nous serons même invités dans une famille pour le thé et la fête des lumières (des millions de bougies un peu partout…). Un autre jour, nous faisons un détour pour nous rendre à la cascade de Chattai. Bien nous en prend car l’endroit est magnifique et grandiose ! Il s’agit d’une rivière qui se casse la figure d’une bonne centaine de mètres au fond d’un superbe canyon. Nous en profitons aussi pour la douche et ce n’est pas du luxe car ça fait quelques jours déjà…  Puis, nous reprenons la route en direction de Rewa où nous nous offrons le luxe d’un petit hôtel et poursuivons les jours suivant en direction de Vârânasî. 

Le paysage change sensiblement et nous voyons de plus en plus de palmiers, ce qui est bon signe… La faune aussi  d’ailleurs change peu à peu. Depuis avant Delhi les singes sont devenus monnaie courante tout comme les dromadaires. Nous croisons aussi quelques mangoustes de temps en temps. 

Et puis bon, nous arrivons à Vârânasî après une courte étape de 56 kilomètres qui me verra remettre un diplôme aux filles pour leur millième kilomètre ! 

Vârânasî, c’est anciennement Bénarès, ça vous parle peut-être un peu plus…  C’est une ville sacrée sur le Gange. Tout bon hindou, un peu à la manière de tout bon musulman avec le pèlerinage à la Mecque, doit venir s’y purifier. Un français rencontré sur place m’affirma qu’il fallait se purifier sur au moins 6 gaths. Les gaths sont des marches qui aménagent la rive autrement vaseuse du fleuve afin que l’on puisse s’y baigner et s’y purifier en se lavant dedans. Il va sans dire que le Gange est l’un des fleuves les plus pollués du monde. Des dizaines d’égouts de Vârânasî se jettent dedans, sans compter tout ce qui s’y déverse également en amont… Comme en plus on y brûle les morts et qu’on les envoie sur une barge sur le fleuve (parfois ils ne brûlent pas complètement, parfois on ne le brûle pas par manque d’argent ou parce qu’ils n’en ont pas besoin : femmes enceintes, enfants, etc.) ce n’est pas hyper sain d’y faire trempette… Qu’à cela ne tienne, ce qui est sacré est sacré ! Il n’est pas rare de voir un gars chier ou pisser dans le machin et un autre se laver les dents 3 mètres en aval…. Il n’est pas rare non plus de voir des gens avaler la flotte du truc qui pue pour se mettre ensuite les doigts au fond de la gorge afin de se la faire vomir et ainsi avoir pu se purifier de l’intérieur… Il n’est pas rare enfin (témoignage des espagnoles rencontrées à Khajurâho) que la barque sur laquelle on fait l’immanquable balade des touristes sur le fleuve vert chiasse cogne un reste de cadavre qui flotte au gré du courant… (elles ont eu plus de chance que nous car elles ont vu une femme et un chien mort dans l’eau, alors que nous nous n’avons vu que d’autres touristes comme nous en bateau… et vivant en plus…). Bref, je n’ai pas renouvelé l’exploit d’Amritsar et Pushkar (exploit m’ayant valu quelques staphylocoques…) de me baigner dans une soi-disant eau sacrée qui sent mauvais !

 

Nous passons donc 2 jours pleins sur Vârânasî. Je laisse les filles vaquer à leurs occupations histoire de leur donner un peu d’air et à moi aussi… Il faut dire que nous vivons un peu 24h/24h depuis plus de trois semaines et ce n’est pas toujours facile même si nous nous entendons globalement bien. Ca frotte toujours un peu avec Agos…

 

Il se trouve que c’est encore, je ne sais par quel miracle indien (je commence à croire qu’ils sont toujours en plein festival machin truc !), le festival des loupiottes et des pétards. Le côté positif, c’est que le premier soir tous les gaths sont illuminés par des milliers de bougies et ça donne un sacré effet… Le négatif c’est que l’on a du mal à trouver un hôtel et, pour comble, toute la nuit il y a un bruit pas possible. Je ne vous ai pas dit mais les indiens adorent le bruit. Je sais qu’on va me reprocher cette généralité à la noix mais je ne peux pas le dire autrement. Que ce soient les pétards, les klaxons hurlants et omniprésents ou la musique un peu partout (la nuit, dans les dabas par exemple…), ils aiment le bruit ! Je peux vous assurer qu’à la vue de mon klaxon pakistanais un nombre hallucinant de personnes me demande, en faisant le geste, de klaxonner pour eux. C’est terrible ! La première chose qu’ils veulent toucher lorsque je m’arrête et qu’ils s’amassent autour de moi, c’est le klaxon… Une catastrophe pour un antibruit comme moi… Bref, c’est pas facile de trouver le sommeil. 

Puis, vient le moment de partir. Je sens les filles assez non motivées par ce départ, mais bon, le matin, elles sont prêtes avant moi, alors… En sortant de la ville, nous nous perdons de vue avec des conséquences assez étendues puisque nous ne nous retrouvons pas le jour même. C’est marrant comme les choses arrivent quand elles doivent arriver. J’étais justement sur le point de leur proposer de rester un peu plus sur Vârânasî (leur souhait de départ) et de me rejoindre en train un peu plus tard, voire même sur Calcutta, et voilà que je les paume !

 

Ne sachant pas si elles sont devant ou derrière moi (nous avons pris des chemins différents), je continue en espérant les retrouver un peu plus loin. Le soir, je m’arrête dans un daba top sympa 

et repars le lendemain pour une bonne étape d’une centaine de kilomètres. Vers 13H00, j’appelle Sabine en France afin qu’elle envoie un mail aux filles pour leur donner ma position et le point de rendez-vous le jour suivant à Bodh-Gayâ. Il faut dire que des téléphones avec l’international pas cher on en trouve partout en Inde, mais vraiment partout, alors que des cybercafés, c’est pas vraiment ça !

Résultat, nous nous retrouvons le lendemain dans l’après-midi sur Bodh-Gayâ. Mais pourquoi Bodh-Gayâ me direz-vous d’une voix intriguée car vous aurez remarqué en regardant sur votre carte Michelin de l’Inde que ce n’est pas sur la route qui mène de Vârânasî à Calcutta. Eh bien parce que c’est là que Le seigneur Bouddha (Ils disent Lord Buddha dans mon bouquin…) a reçu la lumière, et, deuxièmement le détour n’est que d’une cinquantaine de kilomètres aller-retour, alors…

Alors, nous voici tous les trois à Bodh-Gayâ. Nous mangeons le soir même dans un restaurant tibétain. Il faut savoir que Bodh-Gayâ, étant le lieu le plus sain du monde entier de l’univers pour les bouddhistes, grouille de réfugiés tibétains. Ça fait une ambiance sympa de voir tous ces crânes rasés si pacifiques en robe de chambre pourpre déambuler en file indienne ou en petits groupes dans les rues du village. Si chez nous les crânes rasés pouvaient être comme ceux-là… Il parait même que le Dalai Lama (qui ne crache jamais, même quand il est fâché) y passe en général un mois par an, soit décembre, soit janvier, ce qui me fait penser qu’il ne doit pas beaucoup aimer les sports d’hiver sinon il resterait dans ses montagnes à cette époque si propice aux sports de glisse…

 

Bref, le lendemain nous nous rendons au temple de l’arbre de Bouddha. Il s’agit d’un gros temple construit contre un petit fils (techniquement parlant, je ne suis pas botaniste alors je ne suis pas sûr, mais il s’agit en fait d’une bouture d’un arbre qui était déjà une bouture de l’arbre originel sous lequel venait méditer Bouddha et où il trouva la lumière) de l’arbre de Bouddha. Le temple est joli et l’endroit est sympa et CALME, ce qui fait un bien fou ! J’en profite pour me renseigner un peu auprès de l’un des nombreux gars rasés en train de méditer, à propos de sa religion, ou philosophie parce que, paraît-il…

 

Et ma foi, il me dit que c’est plus une philosophie mais qu’il y a tout de même des interdits et tout et tout. Globalement, si j’ai bien compris, on doit bien se comporter envers les autres car le monde est un tout, et lorsque l’on se comporte bien envers les autres on se comporte bien envers le monde, en donc, finalement, envers soi… Chacun appelle ça comme il veut. Brassens, lui, parlait d’être un honnête homme, au sens noble du terme et, tout mysticisme mis à part, ça ne m’a pas l’air bien éloigné de ce que les gars du coin appellent leur philosophie. Sauf que Brassens, lui, ne faisait pas des dizaines de prostrations en s’allongeant par terre et en se relevant, face au sol, et face au temple pendant des heures… A savoir, pour finir, qu’une prostration dans un lieu saint comme celui-ci vaut sept prostrations normales, c’est un bon business de les faire à Bodh-Gayâ ! S’il faut, avec un peu de chance, on ne nique qu’un seul pantalon…

 

L’après-midi, nous partons à vélo vers une grotte où le seigneur chose est parti bouder pendant 6 ans (ou une nuit, ils ne sont pas tout à fait sûrs). Sur le chemin, ça pète entre Agos et moi et l’explication qui s’ensuit va être assez lourde de conséquences… Je vous épargne les détails… Nous arrivons assez tard à la grotte, la visitons, et repartons de nuit à travers les champs et villages environnants. Nous éprouvons de folles difficultés à retrouver la route principale pour rentrer. Il m’arrive d’ailleurs une mésaventure dont je me serais volontiers passé. En effet, alors que je menais le petit trio de cyclistes paumés que nous étions dans un village sans éclairage (pas d’électricité !), je me plante dans des eaux stagnantes et puantes, un peu genre le Gange, mais en pire… Résultat, je suis contaminé par une odeur infâme sur environ 60% de mon corps… Je me lave sous les rires des indiens du bled, à la pompe à eau du coin, et doit rentrer torse nu sur le vélo jusqu’à Bodh-Gayâ, à 13 Kms de là, par le froid des nuits de l’hiver indien… Pas cool tout ça ! 

Le soir, nous développons l’explication de l’après-midi avec Agos et en arrivons à la conclusion qu’elle et moi voyageant ensemble ça ne peut pas le faire. Nous prenons de concert la décision de nous séparer, au grand dam d’Agos, notamment, qui voit un peu son rêve de se rendre en Chine à vélo s’écrouler. Je pense que même sans moi elles peuvent le faire, mais je ne crois pas qu’elles en soient elles-mêmes conscientes. Je m’aperçois que je n’ai pas vraiment retenu la leçon du début du voyage et que je n’aurais tout simplement pas dû accepter de voyager avec de nouvelles personnes sur une durée si longue, même si je les trouvais bien sympas, ce qui est toujours le cas malgré nos différends avec Agos. Avec les suisses, ce n’était pas pareil car l’on savait toujours que c’était temporaire, et qu’au moindre moment l’on pouvait se séparer et se retrouver plus tard… Et puis, ils étaient totalement indépendants… Là, avec les filles, je me sentais un peu la responsabilité de rester avec elles car sans moi elles n’auraient jamais décidé de voyager à vélo.

 

Bref, c’est assez difficile, mais, après de tristes adieux, je repars le lendemain en direction de Calcutta alors qu’elles ne partiront que le jour d’après, dans la même direction d’ailleurs. Me sentant un peu plus léger, je fais des étapes de fou et rallie Bodh-Gayâ à Calcutta (480 Kms) en 4 jours : 100, 145, 130 et 105 Kms. Et me voici à Calcutta où mon problème, à présent, est de me décider pour un vol vers Kuala Lumpur ou Bangkok ! Quelqu’un pour m’aider ? 

Finalement, je me décide pour la troisième solution après avoir rencontré un néo-zélandais tranquille qui voyage à vélo depuis deux ans et qui m’a fait la révélation de ces derniers jours : www.jetstarasia.com ! En effet, sur ce site Internet tout nouveau l’on peut obtenir des billets pour Singapour pour 90 Euros depuis Calcutta… Le billet pour Kuala Lumpur étant à 215 Euros et la différence de kilomètres entre les deux à peine plus grande : 250, le choix est facile ! Ce sera Singapour dimanche soir. En plus, Zane, le Néo-zélandais, prend ce même vol. Toutes les informations qu’il possède sur l’Asie du sud-est où il bourlingue depuis 2 ans me sont très précieuses, à commencer par Singapour qu’il connaît comme sa poche…

 

A+

 

Et portez vous bien !                       

Lionel

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