Paris-Shanghaï à vélo
Avant le Départ
D’abord quelques explications… Avant de vous inviter à lire le récit de mes aventures cyclopagaiesques[i], je vous dois un petit retour en arrière sur l’origine de ce projet : Paris – Shanghai à vélo.
Tout a commencé un jour de juillet 2002. Cela faisait cinq mois déjà que j’étais rentré de mon précédent périple – 14 mois en routard à travers l’Amérique du Sud – et l’envie de repartir pour un grand voyage me titillait à nouveau. Des amis m’avaient demandé de les aider pour leur déménagement et comme je n’avais pu emprunter la voiture de ma mère, j’avais décidé de m’y rendre en vélo. Il faut dire que, même si je ne faisais pour ainsi dire jamais de vélo, la distance à parcourir n’était pas vraiment effrayante, seulement les cinq ou six kilomètres qui séparent Porcheville de Mantes la Ville (par un pont interdit aux vélos… Déjà…).
Sur le chemin du retour, dans la ligne droite qui longe la voie de chemin de fer de la zone portuaire, probablement avec le vent dans le dos (on a généralement un vent d’ouest dans cette région de la vallée de la Seine), j'ai réalisé que le vélo c’était agréable et pas si difficile que ça. J’ai alors repensé aux cyclorandonneurs rencontrés lors de mes précédents voyages en Europe ou en Amérique du Sud, et je me suis dit que ce devait être une formidable façon de voyager. Le côté indépendant m'apparut alors comme essentiel. En vélo, me disais-je, on peut aller où l’on veut, on n’est plus dépendant des itinéraires des bus ou des trains, on peut s’arrêter quand on veut, pour parler avec des gens sur le bord de la route, etc. En plus, on a le temps de profiter du paysage et de prendre des photos. C’est un mode de transport écologique et sportif ! Bref, d’un seul coup, j’eus comme une révélation :le vélo est un moyen idéal de voyager.
Le reste allait, pour ainsi dire, de soi. En effet, j’avais toujours eu envie de découvrir l’Asie et j’étais particulièrement attiré par la partie sud-est du continent, notamment par le Vietnam. Je décidai donc, toujours pendant cette fameuse ligne droite (oui, vous aurez remarqué que mon cerveau va beaucoup plus vite que mon vélo…) de me rendre le plus loin possible en Asie afin de traverser un maximum de pays, et ce à bicyclette ! La Corée du Nord n’étant pas une destination touristique particulièrement accessible, mon choix s’orienta tout de suite sur Tokyo. C’était décidé ! J’irais à Tokyo à vélo.
Les jours qui suivirent, j’échafaudais mille et un plans de voyages et rêvassais une bonne partie de mon temps de veille à ce futur périple. C’est d’ailleurs l’un de mes moments préférés du voyage. Je m’auto-motivais en me disant qu’à raison de 30 kilomètres par jour il me faudrait environ un peu moins d’un an et demi pour parcourir les 13500 kilomètres que j’envisageais. Et, si l’on y réfléchit bien, que représentent 30 kilomètres à vélo sur une journée ? Une heure et demie à 20 Km/h, deux heures à 15 Km/h, trois heures à 10 Km/h et, au pire, six heures à 5Km/h, sachant que 5 Km/h c’est la vitesse d’un marcheur qui ne marche même pas vite. Et même en prenant cette vélocité minimum comme référence il me restait 18 heures par jour pour profiter de mon voyage… Donc, c’était largement jouable.
Voilà donc précisément l’origine de ce périple.
Après la naissance du projet, il y eut toute la préparation. Mais, avant cela, une étape obligatoire : l’annonce à mon entourage. En effet, je considère ce passage comme un moment clef du voyage. D’abord parce qu’il n’y a pas de meilleure motivation (pour moi du moins) que tous ces gens, proches, amis, famille, simples connaissances, qui n’ont, pour la plupart, que très peu voyagé, et qui me disent que je suis fou, que c’est n’importe quoi, que pour quelqu’un qui n’a jamais fait de vélo c’est impossible, que les pays que je traverserai sont très dangereux etc. Bref, mon esprit de contradiction trouve là un terrain privilégié pour s’exprimer ! Ensuite, parce que, malgré ces réticences initiales, il se trouvera toujours, parmi mes proches justement, des gens pour me soutenir dans ma folie, et c’est aussi quelque chose de primordial.
Keila
C’est notamment au cours d’une conversation avec Dimitri, un ami rencontré en Bolivie et avec qui j’avais maintenu le contact après mon retour en France, que celui-ci me proposa de venir avec moi. Je fus enchanté par cette perspective. En effet, en Amérique du Sud, il m’arrivait de regretter de voyager seul car je n’avais alors personne avec qui partager les moments fabuleux que je vivais. J’acceptais donc de bon cœur. Puis Richard, un autre ami, rencontré en même temps que Dimitri (avec qui il avait passé 6 mois au Mexique) nous proposa de venir avec nous mais seulement les trois premiers mois car il ne voulait pas partir plus longtemps, rapport à sa copine.
De fil en aiguille, on affina le projet et l’étape suivante, logique pour mes deux compères, un peu moins pour moi, fut la création d’une association et la mise en place d’un projet. En effet, Richard et Dimitri considéraient qu’il nous fallait « valoriser » une telle idée. Le bénéfice en serait très important. D’abord cela faciliterait l’implication d’autres personnes qui souhaiteraient nous aider à organiser le voyage. Ensuite, on pourrait toucher diverses subventions, ce qui nous ferait faire des économies non négligeables. Personnellement, je n’étais pas franchement pour. En effet, j’estimais, et j’estime toujours, que tant que l’on n’avait pas réalisé un tel voyage (surtout l’aspect vélo) on ne savait pas si l’on pourrait arriver au bout. Nous n’avions donc pas de réelle légitimité pour demander, à l’avance, qu’on nous fasse confiance et qu’on nous le finance en partie. Je nous imaginais plus « valoriser » le projet à notre retour. Mais bon, même si je n’étais pas très chaud j’ai fini par accepter.
L’on créa donc l’association Keila, pour la promotion du recyclage à travers le voyage. Richard, Dimitri, Maud (la copine de Richard) et moi étions les membres fondateurs de Keila et respectivement trésorier, vice-président, secrétaire et président. Keila allait encadrer un projet (elle avait été initialement créée dans ce but) : Les Roues du Recyclage. C’est le nom qui fut donné à notre Paris – Shanghai à vélo. Le principe était de promouvoir le recyclage et les gestes éco-citoyens tout au long de notre voyage. Nous allions récolter des informations sur les pratiques de recyclage de chaque pays et, idéalement, en faire profiter les autres pays.
L’autre idée forte que nous eûmes à ce moment là était de voyager, à titre d’exemples, sur des vélos recyclés. Le principe était simple : nos vélos seraient fabriqués par nos soins à partir de matériaux récupérés. L’on commença donc à récupérer des vélos ou des morceaux de vélos dans la rue les jours des encombrants dans nos villes respectives : Fontenay-sous-Bois et Montreuil-sous-Bois. La Poste de Montreuil accepta que l’on se serve dans son cimetière à vélos d’où l’on sortit des éléments qui allaient se révéler particulièrement utiles : des selles, des sacoches et des porte-bagages.
La Genèse de ce voyage.
Entre temps, Dimitri s’était retiré de la partie route du projet et Richard, en revanche, avait finalement décidé de faire le parcours en entier. J'allais donc partir avec Richard pour la totalité du voyage.
Ainsi, de préparations en réunions, de collectes nocturnes en bricolages, nous sommes rapidement arrivés au 5 mars 2005, jour du départ (fixé à Paris sous la Tour Eiffel, symbole, symbole !).
Un récit épistolaire.
Maintenant, concernant le contenu de ces carnets de voyage. De nombreuses personnes m’ont incité à rendre compte de mes aventures au moyen d’un livre. Mais voilà, comme vous avez pu vous en apercevoir en seulement quelques paragraphes (probablement moins), je n’ai aucune expérience d’écrivain et encore moins de prétentions dans ce domaine. Il m’a donc fallu réfléchir à la forme que pourrait prendre ce récit. Assez naturellement, il m’est apparu que les mails collectifs destinés à mon entourage pendant le voyage feraient une bonne base de travail. Les retours que plusieurs personnes m’en firent m’encouragèrent dans cette voie. Je décidai donc de reprendre ces messages un par un afin de les corriger, les rendre plus lisibles et, parfois même, les modifier légèrement. Ceci dit, l’essentiel de ce que j’avais alors envoyé est là. Même si j’ai aujourd’hui plus de recul par rapport aux évènements et situations vécues, et même s’il me semblerait nécessaire de modifier une grande partie de ce que j’ai alors écrit dans ces messages, je préfère vous les restituer (presque) tels quels afin de garder une certaine fraîcheur. Le résultat est une compilation de vingt messages électroniques envoyés tout au long de mon périple. J’espère que cela vous fera voyager et contribuera un peu à affiner votre vision sur cette partie du monde. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne lecture et un bon voyage…
[i] cyclopagaiesque : Adjectif qualificatif désignant une action que l’on fait entre Paris et Shanghai à vélo.